dimanche 22 février 2015

Voyage au cœur de la modernité

On rit beaucoup dans la mise en scène moderne et anachronique du grand dramaturge contemporain Luc Bondy. Le rire jaillit surtout des registres différents et des mimiques qu’emploient les domestiques : Lubin et Lisette. Luc Bondy a choisi des comédiens plutôt jeunes.  Lisette est une servante pimpante, pétillante et remplie d’énergie, vêtue d’une robe blanche courte, de collants noirs et de tallons aiguilles. Elle est toujours prête à aider madame La Marquise,  en maniant l’humour et est omniprésente. Lubin, servant du Chevalier, habillé aussi de manière ordinaire, est sans doute le personnage le plus comique de la pièce par ses attitudes.  Il arrive en vélo, sort un grand mouchoir pour sécher ses larmes sans aucune raison. Avec son accent parisien, il a  toujours son mot à dire parfois «déplacé » et il est surtout très rusé. Ces deux domestiques mettent leur nez partout tels des fouines, cherchant à rapprocher leurs maîtres, pour pouvoir vivre leur amour librement.

      Ce qui se joue ici, c’est la rencontre d’une Marquise et d’un Chevalier, tous deux inconsolables. L’une ayant perdu son mari, deux mois après leur mariage, condamnée selon elle à être privée du bonheur pour le restant de ses jours. Dans la mise en scène de Bondy, elle est vêtue d’une longue robe noire, de talons aiguilles noirs. Elle se cache dans sa maisonnette, enveloppée d’un tissu noir. Les vêtements et le cadre de la Marquise reflètent tout à fait son état de deuil, le noir symbolisant sa tristesse et son mal être intérieur.  Le  Chevalier quant à lui est dans un style dandy et  très pop des années 1960, habillé d’un pantalon jaune éclatant et d’une chemise très cintrée. Il est le voisin de la Marquise. Il adopte un comportement enfantin : il se ronge les ongles, boude et pleure souvent. Il soupire également, malheureux de voir sa bien-aimée se réfugier dans un couvent. Les deux protagonistes vont se rencontrer et découvrent le trouble amoureux sous couvert d’amitié. Et oui ! Ils s’aiment, sont attirés l’un envers l’autre mais ne se l’avouent pas. Les malentendus et le Comte qui rode autour de la Marquise, sont des obstacles que les deux amoureux rencontrent alors que la pièce pouvait se terminer à tout instant.

      Le décor est très sobre et à l’image de la pièce.  Il est constitué d’une estrade, d’un parquet noir. Deux tentes recouvertes d’un tulle noir représentent des maisons. Un chemin de cailloux blancs et un néon lumineux extérieur et intemporel s’y ajoutent. Les choix de Luc Bondy quant aux décors sont à mon goût pertinents. L’atmosphère sombre avec des couleurs noires, bleues, grises évoquent la tristesse, le conflit.  La pièce est divisée en deux parties. Le haut c'est-à-dire la passerelle  sert aux moments de refuge, lorsque la Marquise se plaint de son sort ou lorsque le Chevalier observe ce qui se passe. Le bas où l’action se joue est un chemin de cailloux blanc  tracé sur le parquet. Il a une signification symbolique : il représente le chemin qui mène à l’amour. Cette ligne blanche s’efface progressivement et conduit  à la résolution de l’intrigue, à la traversée des obstacles.  Le décor est en mouvement. Ainsi, au début, la tente de la Marquise et du Chevalier sont chacune de part et d’autre de la scène, puis elles sont côte à côte et à la fin une grande tente apparaît. Bondy veut par ce changement montrer l’évolution de la pièce. Après avoir été de parfaits inconnus, des sentiments d’amour surgissent d’où le rapprochement des tentes. Enfin, une seule et unique grande tente marque leur union. Le désordre de la pièce et l’intérieur des personnages se traduisent par  les cailloux qui sont éparpillés dans tous les sens. Il est aussi marqué par la Marquise et le Chevalier, lorsqu’ils sont à quatre pattes en train de chercher le billet. C’est comme s’ils se cherchaient eux-mêmes.  Par contre, l’éclairage de plus en plus sombre montre la complexité de la pièce. . Il situe les scènes dans la chronologie, l’histoire se passe en une journée. 

      Ce qui témoigne d’autant plus de la modernité de la pièce, ce sont les marques de l’oralité : les intonations très contemporaines de Lubin et Lisette caractérisées par un ton familier et un accent parisien.  Le metteur en scène a choisi de prendre des distances avec le texte, en changeant l’ordre des mots et des phrases. Il a aussi choisi de faire dire aux comédiens des phrases dans un français plus léger voire même familier comme : « c’est pas la peine » à la place de « ce n’est pas la peine » ou « c’est tout ? » à la place de « cela est tout ? ». Cette modernisation du langage permet au spectateur de s’identifier aux différents comédiens. C’est une représentation théâtrale de tout temps ouvert à tout le monde. Ainsi, elle est ancrée dans notre génération et est « à la mode ». Des répliques ont été rajoutées tandis que d’autres ont été supprimées. Cela montre le renouveau qu’apporte Luc Bondy à la pièce,  tout comme le théâtre de Marivaux en perpétuel renouveau.

      Cependant, un choix qu’a fait Bondy m’a particulièrement déplu. La fin a une tonalité très triste, voire tragique. Lors du dénouement, la pièce est très sombre, alors que les quatre protagonistes sont censés célébrer leur amour, leur union. Les personnages sont moins dynamiques, accroupis par terre le regard dans le vide, sans expression sur leur visage. Si j’étais metteur en scène, je n’aurais pas représenté le dénouement ainsi. J’aurais exprimé davantage la joie des personnages. 


2 commentaires:

  1. Excellent travail, qui balaie bien l'ensemble de la mise en scène. Tu as su utiliser les documents sans les copier.
    J'aurais aimé une formule conclusive avec plus de "punch" :)

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  2. Bonsoir madame, désolé du retard !!
    Aha oui, mais je ne suis pas du tout douée à ça :( !!

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