On rit beaucoup dans la mise en scène moderne et anachronique du grand
dramaturge contemporain Luc Bondy. Le rire jaillit surtout des registres
différents et des mimiques qu’emploient les domestiques : Lubin
et Lisette. Luc Bondy a choisi des comédiens plutôt jeunes. Lisette est une
servante pimpante, pétillante et remplie d’énergie, vêtue d’une robe blanche
courte, de collants noirs et de tallons aiguilles. Elle est toujours prête
à aider madame La Marquise, en maniant l’humour et est omniprésente.
Lubin, servant du Chevalier, habillé aussi de manière ordinaire, est sans
doute le personnage le plus comique de la pièce par ses attitudes. Il
arrive en vélo, sort un grand mouchoir pour sécher ses larmes sans aucune raison.
Avec son accent parisien, il a toujours son mot à dire parfois
«déplacé » et il est surtout très rusé. Ces deux domestiques
mettent leur nez partout tels des fouines, cherchant à rapprocher leurs
maîtres, pour pouvoir vivre leur amour librement.
Ce qui se joue ici, c’est la rencontre d’une
Marquise et d’un Chevalier, tous deux inconsolables. L’une ayant perdu son
mari, deux mois après leur mariage, condamnée selon elle à être privée du
bonheur pour le restant de ses jours. Dans la mise en scène de Bondy, elle est
vêtue d’une longue robe noire, de talons aiguilles noirs. Elle se cache dans
sa maisonnette, enveloppée d’un tissu noir. Les vêtements et le cadre
de la Marquise reflètent tout à fait son état de deuil, le noir symbolisant sa
tristesse et son mal être intérieur. Le Chevalier quant à lui
est dans un style dandy et très pop des années 1960, habillé
d’un pantalon jaune éclatant et d’une chemise très cintrée. Il est le
voisin de la Marquise. Il adopte un comportement enfantin : il se ronge
les ongles, boude et pleure souvent. Il soupire également, malheureux de voir
sa bien-aimée se réfugier dans un couvent. Les deux protagonistes vont se
rencontrer et découvrent le trouble amoureux sous couvert d’amitié. Et
oui ! Ils s’aiment, sont attirés l’un envers l’autre mais ne se l’avouent pas.
Les malentendus et le Comte qui rode autour de la Marquise, sont des obstacles
que les deux amoureux rencontrent alors que la pièce pouvait se terminer à tout
instant.
Le décor est très sobre et à l’image de la
pièce. Il est constitué d’une estrade, d’un parquet noir. Deux tentes recouvertes d’un
tulle noir représentent des maisons. Un chemin de cailloux blancs et un néon
lumineux extérieur et intemporel s’y ajoutent. Les choix de Luc Bondy
quant aux décors sont à mon goût pertinents. L’atmosphère sombre avec des
couleurs noires, bleues, grises évoquent la tristesse, le conflit.
La pièce est divisée en deux parties. Le haut c'est-à-dire
la passerelle sert aux moments de refuge, lorsque la
Marquise se plaint de son sort ou lorsque le Chevalier observe ce qui se
passe. Le bas où l’action se joue est un chemin de cailloux blanc tracé sur
le parquet. Il a une signification symbolique : il représente le
chemin qui mène à l’amour. Cette ligne blanche s’efface progressivement et conduit
à la résolution de l’intrigue, à la traversée des obstacles. Le décor est
en mouvement. Ainsi, au début, la tente de la Marquise et du Chevalier sont
chacune de part et d’autre de la scène, puis elles sont côte à côte et à
la fin une grande tente apparaît. Bondy veut par ce changement montrer
l’évolution de la pièce. Après avoir été de parfaits inconnus,
des sentiments d’amour surgissent d’où le rapprochement des tentes. Enfin,
une seule et unique grande tente marque leur union. Le désordre de la
pièce et l’intérieur des personnages se traduisent par les cailloux
qui sont éparpillés dans tous les sens. Il est aussi marqué
par la Marquise et le Chevalier, lorsqu’ils sont à quatre pattes en
train de chercher le billet. C’est comme s’ils se cherchaient eux-mêmes.
Par contre, l’éclairage de plus en plus sombre montre la complexité de la
pièce. . Il situe les scènes dans la chronologie, l’histoire se passe
en une journée.
Ce qui témoigne d’autant plus de la modernité de la
pièce, ce sont les marques de l’oralité : les intonations très
contemporaines de Lubin et Lisette caractérisées par un ton familier et un
accent parisien. Le metteur en scène a choisi de prendre des
distances avec le texte, en changeant l’ordre des mots et des
phrases. Il a aussi choisi de faire dire aux comédiens des phrases dans un
français plus léger voire même familier comme : « c’est pas la
peine » à la place de « ce n’est pas la peine » ou « c’est
tout ? » à la place de « cela est tout ? ». Cette
modernisation du langage permet au spectateur de s’identifier aux différents
comédiens. C’est une représentation théâtrale de tout temps ouvert à tout le
monde. Ainsi, elle est ancrée dans notre génération et est « à la
mode ». Des répliques ont été rajoutées tandis que d’autres ont été
supprimées. Cela montre le renouveau qu’apporte Luc Bondy à la pièce,
tout comme le théâtre de Marivaux en perpétuel renouveau.
Cependant, un choix qu’a fait Bondy m’a
particulièrement déplu. La fin a une tonalité très triste, voire tragique.
Lors du dénouement, la pièce est très sombre, alors que les quatre
protagonistes sont censés célébrer leur amour, leur union. Les personnages sont
moins dynamiques, accroupis par terre le regard dans le vide, sans expression sur
leur visage. Si j’étais metteur en scène, je n’aurais pas représenté le
dénouement ainsi. J’aurais exprimé davantage la joie des personnages.
Excellent travail, qui balaie bien l'ensemble de la mise en scène. Tu as su utiliser les documents sans les copier.
RépondreSupprimerJ'aurais aimé une formule conclusive avec plus de "punch" :)
Bonsoir madame, désolé du retard !!
RépondreSupprimerAha oui, mais je ne suis pas du tout douée à ça :( !!