dimanche 22 février 2015

Une surprise de modernité !

     Au théâtre d'Angers, nous avons eu la chance et l'honneur d'assister à la Seconde Surprise de l'amour. Cette pièce de Marivaux y a été mise en scène par le metteur en scène, réalisateur et acteur suisse: Luc Bondy, dont les singularités ne cesseront jamais de nous étonner. De par ses choix extrêmement particuliers pour la mise en scène de la comédie de Marivaux, Luc Bondy arrive à nous conter une histoire vieille de trois siècles tout en la renouvelant. 

     La Seconde Surprise de l'amour est une pièce de théâtre, une comédie en trois actes et en prose de l'écrivain et dramaturge français Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux. Dans celle-ci, il est question d'amour, de sa réticence et de sa réprocité. Les deux personnages principaux s'aiment mais n'en savent rien: la Marquise, une veuve inconsolable, et le Chevalier, homme attristé par la perte de son amante.

     C'est sur une scène "nue", presque vide que Luc Bondy a choisi de faire évoluer les personnages de la comédie: la Marquise, le Chevalier, les deux valets Lisette et Lubin, ainsi que le Comte, et Hortensius le pédant. 
     Le décor est plus ou moins vide, on peut voir une sorte d'estrade qui traverse la scène en longueur, un escalier pour y accéder, il y a également un chemin de gravier blanc tracé sur le sol, serpentant la scène. Luc Bondy a opté pour un décor et une atmosphère très sobre; la couleur dominante est le noir un peu bleuté, la scène est encadré d'un néon blanc. Le décor est en somme, très sombre. Il s'agit là peut-être de mettre en valeur le jeu des personnages, les faire ressortir. 
    De plus la scène est extrêmement longue, Luc Bondy exploite cette particularité de l'espace en faisant se tenir les personnages la plupart du temps loin des autres. En particulier la Marquise et le Chevalier. Ils se tiennent souvent chacun à une extrémité de la scène, et ne croisent pratiquement jamais le regard de l'autre. Le metteur en scène a sans doute fait ce choix pour faire ressortir la gène qui règne entre les deux amoureux. Au fil de la pièce, ils se rapprochent selon les interactions mais continuent à ne pas se regarder. La Marquise et le Chevalier ont très souvent le regard vers le public, mais presque jamais l'un vers l'autre. Cependant, même s'ils semblent nous regarder, ils ont tout de même l'air entièrement concentrés sur la présence de l'autre.

   A l’extrémité gauche de l'estrade sur la scène, il y a une sorte de rideau noir, de derrière lequelle apparaît la Marquise. Qui elle aussi, est entièrement vêtue de noir, elle porte une longue robe et un voile noirs. Sa robe n'a rien d'un vêtement du XVIIIème siècle, c'est une robe que l'on pourrait tout à fait voir de nos jours. La Marquise a un aspect négligé avec les cheveux ébouriffés et a tout de suite l'air d'une veuve. Au début de la pièce seul son bras dépasse, on ne la découvre entière que bien après car elle est tapie dans l'ombre. Luc Bondy a créé là, une femme dévastée par le chagrin et le deuil, une femme hautement perturbée; elle se déplace à quatre pattes en fuyant Lisette, sa servante. Cela rend son état de deuil comique.
     Et que dire de sa servante, il s'agit là de la femme moderne par excellence: l'habillement (une robe et des talons), les cheveux courts et rouges, la manière de parler. Lisette s'exprime comme une parisienne. Elle parle comme parlerait n'importe qui aujourd'hui. 
     Le physique et le comportement des personnages sont très contemporains. 
    Le texte a d'ailleurs été plus ou moins adapté au langage actuel par Luc Bondy, des expressions comme "andouille" qui ont par exemple remplacés "butor" ont été insérées à la lecture de Bondy. Des répliques trop longues ont également été supprimées pour alléger le texte. Lisette n'a pas vraiment l'air d'une servante, on ne remarque pas vraiment la relation de "maîtresse et servante" entre elle et la Marquise. Elle a plutôt l'air d'avoir le statut d'une amie pour sa maîtresse. Luc Bondy a ici fait ressortir, voire dominer, le côté "confidente" de Lisette. C'est un choix audacieux de Luc Bondy, voire risqué. Mais nous sommes tout de même amusés de cette relation entre la Marquise inconsolable et Lisette qui ne se laisse pas impressionner par l'ampleur de sa tâche: la consoler. Luc Bondy reste dans la comédie, mais c'est une comédie moderne, contemporaine. 
     Les classes sociales sont plutôt gommées dans cette lecture, Lubin, le valet du Chevalier semble appartenir à la classe ouvrière de par son costume tandis que  le Chevalier porte une chemise, mais aussi un pantalon de couleur criarde. On serait presque incapable de faire la différence de statut entre les deux personnages si on ne connaissait pas la pièce originale, tellement les costumes sont décalés. Un autre modification de Bondy.

     Enfin nous pouvons parler de la plus grande touche de modernité de la lecture de Luc Bondy, l'aspect le plus contemporain de sa pièce, avec une scène regroupant Lubin et Lisette. Les deux amants et valets reviennent d'une soirée, une soirée contemporaine. On entend une musique dansante comme si on l'entendait de l'extérieur d'une boîte de nuit, plus ou moins de nos jours. C'est une scène au summum de la modernité, et qui est même très comique lorsque l'on se rappelle qu'il s'agit tout de même de deux valets d'une comédie datant du XVIIIème siècle, qui rentrent ivres et euphoriques d'une soirée.

     La mise en scène de Luc Bondy est une mise en scène contemporaine et comique à souhait. Il a réussi à transposer une comédie du XVIIIème siècle dans un cadre faisant très XXIème siècle. Le rire est au rendez-vous, on ne peut que passer un bon moment devant cette pièce. Et quand bien même, certains s’épanouiraient dans la critique négative, rappelons que la pièce la plus médiocre a sûrement plus de valeur que la critique la dénonçant comme telle.


Sy Raki

2 commentaires:

  1. Très bien ! Bonne analyse personnelle, bonne exploitation des notes prises en classe, notamment sur les relations entre les 4 principaux personnages.
    J'aimerais que tu insistes davantage sur le décor et les lumières (scénographie).
    Qqs éléments à revoir dans l'expression qui se fait qqfois lourde.

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