Collants noirs portés avec des talons aiguille,
cheveux courts rougeâtres finement placés sur le côté, timbre de voix fort,
rappelant l’expression parisienne du troisième millénaire. Lisette, suivante de
La Marquise, aristocrate malheureuse, pleurant la perte de son défunt mari, est
une femme épanouie. Elle le parait bien plus que sa maitresse, moins rusée,
angoissée face à un destin qu’elle n’arrive à maitriser. Le portique de néons fixé
devant l’estrade bloquée sur le plateau, détermine les limites de la scène. Les
frontières y sont claires. Et les personnages qui ont le malheur de les
franchir, de rentrer dans cet espace, dont le territoire est déjà marqué par
les protagonistes, se voient progressivement rejetés. Lubin et Lisette,
stratèges fourbes, font de la sorte avec le savant pédant Hortensius, sous le
bruit assourdissant de basse contemporaine, au tournant de l’Acte dernier. Au
contraire de la musique orchestrale permettant la transition inter-acte
précédente.
La Marquise est submergée par les sentiments et ne
sait plus quoi faire. Elle ne sait comment réagir et agir face à une situation
qui lui échappe. A sa rencontre avec le Chevalier, les « Ah ! » se
transforment en revanche en « wow ! », et le pantalon couleur
moutarde qu’il affiche expose son caractère vif et incisif. Sous ses charmes
amicaux, la Marquise passe d’un état second à un état d’extase en un changement
de scène. Les larmes sur ses joues sont emportées, en un clignement d’œil, par
le vent qui souffle sur son visage alors qu'elle célèbre la vie. Un vent bien
plus fort, mêlé avec l’orage, aux abords de l’Acte II, annonce l’imminence de
l’itinéraire tumultueux de l’intrigue. Sur l’estrade du second plan se dresse
deux maisonnettes voilées, visiblement en deuil, en quête de solitude, dans un
cadre sombre. Mais ces dernières ne parviennent pas à atteindre leur
objectif puisqu’elles se rapprochent avec le temps. Elles le font beaucoup plus
symétriquement que ce n’est le cas pour La Marquise et le Chevalier. Des
personnages qui « ne savent le nom qu’ils donnent aux choses »,
changeant d’avis et de comportement aussi souvent que le chemin en craie
curviligne de la scène s’efface. Comme l’explique Luc Bondy, cette
« amouritié» à laquelle font face les deux protagonistes, les
entraine à vivre, ensemble, toutes les phases d’un couple, sans même en être un.
Les larmes qui coulent à l’aube, devant le cadre
scénique bleu, sèchent, la lumière crépusculaire venue. Plus de pleur ni
d’amour. L’amitié avec des sentiments n’a su se concrétiser. Le mariage est,
semble-t-il, la rupture. Une rupture sensée être celle avec le sexagénaire,
arborant un chapeau melon du début du XXème siècle. Mais ce Comte surpris de l’amour momentané de La Marquise, n’est pas le
seul ayant assisté à un rebondissement des plus inimaginables. Luc Bondy, pour qui Marivaux est « l’auteur le plus inattendu de son temps », a
fait, en 2008, bondir plus d’un spectateur à travers sa mise en scène. Et par cette représentation,
inopinément singulière, digne des plus retentissantes, l'instigateur du marivaudage lui-même également, sans doute.
Bravo, bel exercice de style ! ... et belle analyse.
RépondreSupprimerJuste qqs petits détails à changer :
le comte n'arbore pas un chapeau melon mais un canotier.
"amouricalité : néologisme à améliorer (amour/amitié) -> amouritié ?
Le titre n'est pas clair et n'est pas forcément le passage de ton texte le plus représentatif de la mise en scène.
Clarifie les 2 dernières phrases : qui est le "lui de même" ? Marivaux ? Revois leur tournure.
- d'accord
RépondreSupprimer- idem
- j'ai voulu faire un jeu de mot avec le titre de l'oeuvre, en prenant un extrait de la critique. Mais il est vrai que ce n'est pas des plus représentatifs. Je veillerai à modifier.
- je parle effectivement de Marivaux. Pour la première phrase, c'est un extrait de l'entretien avec Luc Bondy; je devrais donc mettre la citation entre guillemets. J'essaierai de clarifier la dernière phrase.
Je ne comprends pas ton nouveau titre, très exactement : je ne comprends pas les parenthèses. Jeu de mots ?
RépondreSupprimerRéponse très tardive : j'ai inversé sec et onde (seconde) et puisque les ondes sont féminines, elles sont "sèches" et non "secs". D'où les parenthèses.
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