jeudi 26 février 2015

Et si Marivaux avait vécu au XXIe siècle?


Un plateau sombre, des décors sobres et un long chemin de gravier blanc. Telle est la première image perçue par le spectateur lors de la représentation de La Seconde Surprise de l'amour, la célèbre pièce de Marivaux mise en scène par Luc Bondy. Nous connaissons tous l'histoire de cette Marquise endeuillée et de ce Chevalier détruit par un chagrin d'amour qui finissent par ouvrir les yeux devant l'évidence de leur amour. Bondy nous offre ici une vision moderne de cette oeuvre immortelle.

La comédienne Audrey Bonnet, interprétant le rôle de Lisette, a su nous transporté dans l'univers de Marivaux avec une fougue et un jeu passionné dont on ne se lasse pas, malgré une différence marquée avec le personnage créé par Marivaux. Dès la première scène, le plateau résonne sous ses talons aiguilles la jeune femme reste grave et sérieuse. S'ensuit l'apparition de Clotilde Hesme, qui donne vie à la Marquise comme on ne l'a jamais vu. Sa longue robe noire et ses cheveux en bataille marquent son désespoir et sa tristesse et contrastent avec la petite robe blanche et le carré roux de Lisette. La relation entre ces deux est sans doute moins mise en valeur que dans l'oeuvre originale mais laisse de la place au couple principal.

Les quelques scènes où la Marquise se retrouve seule avec le Chevalier (joué ici par Micha Lescot) restent sans grandes surprises (que ce soit la première ou la seconde). On peut d'ailleurs noter que ces deux-là ne se regardent quasiment jamais dans les yeux tout au long de la représentation, et on se demande pourquoi. Pour fuir l'évidence? Pour éviter de tomber amoureux encore une fois et souffrir à nouveau? Ou simplement pour souligner le fait que leurs anciens amours étaient si puissants qu'elles les ont aveuglés au point que le Chevalier ne regarde plus d'autres femmes et que la Marquise ne pense plus qu'à son défunt époux. Jusqu'à la dernière seconde de jeu, lors du dénouement, les deux acteurs sont à terre épuisés par la tempête d'émotion qu'ils viennent de vivre et regarde au lointain, un peu déboussolés.

Un élément que chacun remarque dès le début est que tous les acteurs sont relativement jeunes, hormis les interprètes du Comte et d'Hortensius. Un choix judicieux de Bondy car ce sont ces deux personnages qui s'opposent à l'amour naissant de cette pièce, entre la Marquise et le Chevalier mais aussi entre Lisette et Lubin. A la fin, ces deux hommes sont exclus du plateau et de la pièce et ils ne restent que les deux couples.

Le décor est aussi bien utilisé. Le grand plateau donne une dimension aérienne à la pièce, le cadre de lumière définit les limites de la scène permet un éclairage léger à l'action. Les deux petites cabines représentant les deux parties, la Marquise et le Chevalier, sont mobiles et se rapprochent au fur et à mesure du spectacle, symbolisant la relation entre ces deux personnages.

Cette mise en scène nous montre une nouvelle facette de La Seconde Surprise de l'amour que personne n'imaginerait à la lecture de l'oeuvre. Cette comédie un peu plate à première vue est mise en valeur à la fois par le jeu sans comparaison des comédiens, le décor unique et ces quelques modifications qui bouleversent le côté classique de la pièce et qui arrive à nous faire croire que Marivaux vécut parmi nous, au XXIe siècle et que les mœurs avec lesquelles nous vivons l'ont inspiré pour sa création.

1 commentaire:

  1. Très bien.
    "A la fin, ces deux hommes sont chassés du plateau et de la pièce et ils ne restent que les deux couples." Non, seul le comte est véritablement chassé.
    "Amour" au pluriel devient féminin : "leurs anciens amours étaient si puissants qu'ils" à modifier.

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