La modernité marivaudienne
La Seconde Surprise de
l’Amour, à ne pas confondre avec La Surprise de l’Amour, est une pièce de théâtre de Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, parue en 1728. « On ne sait si le nom de Surprise
est actif ou passif, c’est-à-dire si c’est l’amour qui surprend, ou qui est
surpris » écrivit le rédacteur du Mercure en août 1723. Ce que l’on sait
cependant, c’est que Marivaux était sans aucun doute tout sauf passif lors de
l’écriture de sa pièce.  
La scène XIV (Acte
I) - de « Eh bien mon garçon »
à « le temps presse » - est
celle qui, à mon sens, ressort le plus parmi les trente cinq de la pièce. En
terme d’importance, la scène d’exposition, la scène VII, Acte 1,  par ailleurs étudiée plusieurs fois sur ce
blog, ou encore la scène du dénouement, l’emportent. Mais je n’ai pas voulu
choisir une scène selon son poids dans l’intrigue. Pour moi, cette scène est non
seulement représentative de la pièce mais, d’une manière générale, rassemble la
plupart des thématiques abordées lors de la carrière littéraire de Marivaux,
accompagnée de ses plusieurs facettes. Ce que j’affirme peut vous sembler un
peu exagéré pour une scène, en apparence sans grande action, entre deux
personnages secondaires. Mais je vous assure que si vous me suivez bien, vous
comprendrez ma thèse, que vous soyez d’accord ou non avec. 
La comédie, qui est la caractéristique principale de
l’œuvre, est un genre qui détient une place essentielle dans le répertoire
théâtral de Marivaux. Principalement sous forme de comique de mots, cette scène
n’en échappe pas. Lubin qui déforme le nom de l’auto-proclamé philosophe en
« docteur Hortus » ou qui suggère que la
philosophie « fournirait des jambes ». Ici, c’est surtout le
comique de gestes, dont nous ne pouvons pas réellement profiter, qui est
l’initiateur du procédé comique. L’opposition de caractère entre un valet
désespéré, en quête de réconfort, et un homme de lettres, « inapte à saisir la vérité des
cœurs » - pour reprendre l’expression d’André Durand, dans une
présentation de la pièce, sur le site internet Comptoir Littéraire – est
telle qu’elle en devient amusante. 
Il serait impensable de ne pas parler de l’amour (ou aurais-je
dû mettre un « a » majuscule ?). C’est ce sentiment visité,
revisité, décortiqué, aussi bien inexplicable qu’inexpliqué, source des plus
immenses maux au même titre que des réjouissances des plus gratifiantes sur
lequel Marivaux a décidé de se pencher dans ses comédies les plus connues.
Parmi celles-ci figurent L’Amour et la
Vérité (1720), La Réunion des Amours
(1731) ou encore Le Triomphe de l’amour
(1732). Dans la scène XIV, Acte I, Lubin, chagriné par son amour jusque là
malheureux, aimerait qu’Hortensius lui fournisse un remède. Mais celui-ci ne
peut raisonner autrement que par la philosophie ou par la morale. 
Enfin, il y a un brin de modernité dans cette scène. Celle-ci,
que Marivaux véhicule, l’est tout autant à travers celle que nous étudions, qu’à
travers la pièce et plus généralement, son œuvre. Le fait qu’il y ait dédié une
large partie à la comédie ne la rend en rien moins moderne. Marivaux est
parvenu à introduire un style nouveau,
plus littéraire et psychologique, où tout mot a son importance. Lui-même
philosophe et moraliste (il publia L’Indigent
Philosophe en 1727 et Le Cabinet du
philosophe en 1734, des essais philosophiques), son personnage Hortensius, qui
détient ces mêmes caractéristiques, lui est pourtant totalement contraire. Et
c’est à travers ce personnage aux trais bien renforcés, qu’il se moque des
Anciens, le camp que les Modernes, dont il a fait partie, ont combattu pendant
de nombreuses années. Henri Coulet le prévient au lecteur, dès la
préface : « Hortensius fait à la Marquise le procès des Modernes et
l’éloge des Anciens » (à la scène IV, Acte II). La lourdeur du langage du pédant Hortensius a
quelque chose tarabiscoté, ce qui est la preuve que bien que connotés
négativement dans cet extrait, les mots ont une importance majeure dans le
théâtre marivaudien. Il est bien
difficile de mieux résumer ce que critique Marivaux, par le biais d’Hotensius, que
l’a fait Henri Coulet, dans la préface de l’œuvre : « sa fonction est
[…] de prouver par son inefficacité que la sagesse livresque ne saurait
apporter aucune aide dans les profonds problèmes de cœur, et que la philosophie
n’est pas la vie ». 
Ainsi, je propose plusieurs problématiques
afin de pouvoir étudier cette scène, que je juge très importante pour mieux comprendre
le théâtre de Marivaux. 
- « En quoi peut-on dire que la scène XIV de l’Acte est moderne, à l’image de la pièce de théâtre la Seconde Surprise de l’Amour ? » (problématique opposée à celle de Bilah, qui rejoint celle de Myriam Seck)
- « Comment Marivaux a-t-il su introduire un style théâtral nouveau ? »
- La problématique proposée par Raki pourrait fonctionner même si ce n’est pas la plus intéressante pour mon extrait : « En quoi les relations entre les personnages rendent-t-elles cette pièce comique ? »
- « En quoi peut-on dire que Marivaux a révolutionné le genre théâtral ? »
- « Comment Marivaux est-il parvenu à mélanger comédie et modernité ? »
- « En quoi la déclaration que fait Lubin à Hortensius à la fin de la scène marque-t-il un tournant dans l’intrigue ? »
- « Comment la scène XIV, de l’Acte I change-t-elle la dynamique de la pièce, par son aspect comique, suite à ce qu’affirme Hortensius à Lubin : « vous pleurez une maîtresse; faites-en une autre » ? »
                                                                                                                         Florian BOBIN
 
 
Merci, Florian, d'avoir su proposer un choix de scène original. Ce choix se tient tout à fait et tes arguments le prouvent.
RépondreSupprimerTu peux encore améliorer ton travail en clarifiant le dernier long paragraphe (celui qui commence par "Enfin") pour qu'il soit plus accessible à l'ensemble de tes camarades.
Là où je ne te rejoins pas, c'est sur la question du théâtre engagé. Certes, engagé, Marivaux l'a été dans la suite de la querelle des Anciens et des Modernes, mais ce n'est pas l'essentiel de cette scène. Les problématiques que tu proposes sur l'engagement sont donc à laisser de côté au profit de questions sur la comédie, la modernité, le rôle de la scène dans la pièce.
Bon courage (et meilleurs voeux à toi et à toute la classe) !
CL