samedi 21 février 2015

Lecture analytique - Acte II, scène 2 (bis)

Marivaux, La Seconde Surprise de l'amour : acte II , scène 2 (groupe F)

Membres du groupe :
Habré Bilah
Florian Bobin
Ceddo Niang
Sabbah Sayegh

Problématique choisie :
En quoi cette scène est-elle à l'image du théâtre de Marivaux? 

Plan :

    Axe 1: Elle est à l'image du théâtre de Marivaux car c'est une comédie...
         a) avec les caractéristiques du comique
         b) qui aborde le thème de l'amour
       
    Axe 2: Elle est à l'image du théâtre moderne de Marivaux car elle est intemporelle...
        a) par son marivaudage
        b) et par son intemporalité

Introduction :

Depuis le théâtre grec antique, le thème de l'amour a été l'un des plus visités et revisités. Nous retrouvons celui-ci en lame de fond dans la majeure partie des textes théâtraux marivaudiens. La scène 2 de l'Acte II de "La Seconde Surprise de l'amour", de Marivaux, ne faire guère exception à la règle. Ainsi retrouve t-on Lubin au sein d'un triangle amoureux mettant en jeu son amour de jeunesse pour Marthon et celui naissant pour Lisette, pas exempt d'obstacles...

En quoi cette scène est-elle à l'image du théâtre de Marivaux ?

Nous allons tout d'abord démontrer en quoi est-elle une comédie amoureuse, puis par quoi elle est à l'image du théâtre moderne de Marivaux de par son intemporalité

Axe 1: Elle est à l'image du théâtre de Marivaux car c'est une comédie amoureuse. 

    a) avec les caractéristiques du comique

Le comique transparait à travers les différents procédés employés...


  • comique de caractère & de situation 
    •  Lubin est galant, prononce des mots doux (répliques plus longues) à l'encontre de Lisette qui elle, lui répond de manière sèche, (page 188)  ("Bonjour m'amour" à " [...] porte ton impertinent ballot"
    • ces rejets violents face à la motivation éternelle de Lubin suscitent le rire. 
    • il se désole, voyant la réticence de la suivante de la Marquise (ne peut pas l'aimer comme elle le souhaiterait) : "si tu me trouvais à ton gré, c'est dommage que tu n'aies pas la satisfaction de m'aimer à ton aise; c'est un hasard qui ne se trouve pas toujours" p189
    • le comique de caractère entraine celui de situation
    • le caractère de Lubin Lisette engendrent la situation, qui fait rire. 
    • correlation entre les deux comiques
  • comique de mots :
    • utilisation d'un langage parlé : "va-t'en" , "ballot" (paquet de marchandise ; connotation négative des livres) & "butor" (personnage balourd) p 188 -> ces mots à la fois violents & parlés  sont accentués par l'utilisation de l'imperatif présent: "tais-toi" p190et s'opposent au parlé raffiné du domestique Lubin. Lubin fait le malin.
    • déformation de l'expression de Lubin par Lisette p 188: Lubin compare la lecture à de la nourriture & Lisette détruit sa métaphore en la qualifiant de "sotte"p188
    • accentué par de nombreuses exclamations : "ah ! pauvre Lubin !" p187, "Le butor !" p188, "Ah !" p189
    • lorsque Lubin dit " C'est de la morale...fait éternuer "(p188)  l'humour est issu de l'inaptitude de Lubin à concevoir les qualités de la philosophie (tout en pointant du doigt ses limites quand il s'agit de résoudre un souci amoureux)
    b) parce qu'elle aborde le thème de l'amour

  • une déclaration d'amour de Lubin à Lisette: "(...) je viens de regarder ce qui se passe dans mon coeur, et je te confie que j'ai vu la figure de Marthon qui en délogeait, et la tienne qui demandait à se nicher dedans"p189, visible dès sa première réplique : "Bonjour m'amour"p188
  • un cadre amoureux flou dans lequel les personnages, incertains, évoluent : "je ne sais plus si c'est Marthon que j'aime, ou si c'est Lisette"p187
  • une incertitude amoureuse qui caractérise la scène, par l'ambiguité des discours. Les 2 personnages s'aiment, mais l'obstacle est...
    • intérieur (l'amour propre des personnages) pour Lubin, qui ne peut se décider de son amante (triangle amoureux entre Lubin, Lisette et Marthon) "je crois pourtant que c’est Lisette, à moins que ce ne soit Marton"p187
    • extérieur pour Lisette. Ne montre pas d'affection apparente mais se rend bien compte que même si les deux domestiques venaient à s'aimer, cela ne pourrait aboutir que si leurs maitres ne fassent de même"ils pourraient fort bien se faire de l'amitié de s'épouser par amour, et notre affaire irait tout de suite" (opposition entre amitié et amour, qui ne le sont pas pour La Marquise et Le Chevalier; cf. Acte II, scène IX)
  • mais aussi par le nombre non négligeable de phrases interrogatives, mettant en avant l'incertitude continuelle de Lisette : "que me veux-tu, Monsieur ?"p189, "que ferais-tu ?"p189

Axe 2: Elle est à l'image du théâtre moderne Marivaux car elle est intemporelle

    a) par sa modernité

  • Marivaux est instigateur d'un nouveau style : le marivaudage, un langage subtil et léger dans des propos qui parlent d'amour : "c'est la nature, c'est le ton de la conversation en général que j'ai tâché de prendre"
  • Badinage amoureux entre les domestiques Lisette et Lubin avec l'emploi de figures de style  
    • métaphore du coeur de Lubin, qui devient un niche où Marthon sortirait et Lisette se glisserait : "tournement dans le coeur" (p187), " la tienne qui demandait à se nicher" (p189)
    • personnification "la figure de Marthon qui en délogeait"p189 pour communiquer sa flamme à Lisette. 
  •  Les deux personnages se donnent des répliques subtiles et le jeu d'un amour courtois apparait (effet "je t'aime, moi non plus" : "veux tu que je la laisse rentrer ?" (p189 - Lubin) " Non je te conseille de le renvoyer " (p189 - Lisette)
  • Lubin emploie certaines formules de politesse pour s'adresser à sa bien-aimée : "Voudrais-tu" (p188) "Je t'en prie" (p189)
  • Utilisation du conditionnel, temps utilisé pour marquer la politesse : "j'aurais" (p189) "serais-tu" (p188)
  • Il y a un jeu de séduction, à travers la langue, entre Lisette et Lubin. Celle-ci fait exprès de se montrer reservée pour que Lubin revienne à la charge : "à quoi nous servirait de nous aimer ?" (p189) "Ah ! on trouve toujours bien le débit de cela entre deux personnes" (p189)


  •  le renouvellement de la comédie
    • l'intrigue est tirée de la vie quotidienne
    • met en scène des personnages "ordinaires" de l'aristocratie (La Marquise & le Chevalier) et du peuple (Lisette & Lubin).
    • met en scène une situation inventée mais vraisemblable 

    b) et par son intemporalité

L'intemporalité est ce qui ne varie pas avec le temps, qui indépendant de celui ci...


  • les relations évoquées sont de tous les temps: l'amour et son évolution, les rapports compliqués/sentiments incertains entre Lubin et Lisette concernent les personnes d'autrefois au même titre que ceux d'aujourd'hui. Lubin pense que Lisette ne l'intéresse pas : "si tu me trouvais à ton gré, c’est dommage que tu n’aies pas la satisfaction de m’aimer à ton aise ; c’est un hasard qui ne se trouve pas toujours".p189
  • la scène, et par extension le théâtre de Marivaux, critique un défaut de la nature humaine (qui traverse donc les siècles)... Il révèle les déficiences des hommes et les incite à se réformer : elle corrige les mœurs par le rire ("castigat ridendo mores").
    • C'est la versatilité. Aucun des personnages de cet extrait n'est sûr de ce qu'il veut ;
    • tantôt ils ne veulent pas être ensemble: "À quoi cela aboutirait-il ? À quoi nous servirait de nous aimer ?" p 188,
    • tantôt ils veulent l'être : "Ah ! on trouve toujours bien le débit de cela entre deux personnes" p 188 
  • la quête de l'amour: 
    • peur de la solitude, comme le témoigne la didascalie p187 sur l'action de Lubin "un moment seul, et assis". 
    • D'où l'acharnement de Lubin envers Lisette, qui, malgré ses rejets, continue à la flatter -> champ lexical de l'amour : "coeur", "m'amour" p188 
    • comble un vide ; "Ah! Pauvre Lubin!" Lubin se lamente de sa situation, dont la cause est le besoin d'aimer, et de l'être -> réconfort mutuel 
  •   l'obstacle de l'amour développé dans la pièce est tout aussi intemporel. "ton maître ne veut point s'attacher à ma maîtresse, et ma fortune dépend de demeurer avec elle, comme la tienne dépend de rester avec le Chevalier." p189



Conclusion :

  • Pour conclure, nous pouvons affirmer que cette scène est à l'image du théâtre de Marivaux,d'une part parce que c'est une comédie amoureuse mais aussi parce qu'elle est moderne par son intemporalité.
  • On pourra rapprocher ce texte à la modernité au sens de Baudelaire, exprimée dans L'art romantique (1863), pour qui la modernité, "c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable".



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